Tableaux : Laurence Burvenich - Textes : Denys-Louis Colaux USINES & FOURNEAUX
Ces usines ne sont pas des usines. Ce sont des usines sur bois. Ce sont des fleurs de fumée, des essaims de papillons toxiques. Ce sont de dansants Versailles de poussière chaude. Des bras de braise, des badigeons qui touillent dans le ventre ouvert et les tuyaux d’orgues de l’arc-en-ciel. Ce sont de vrais fantômes vivants, des vaisseaux incarcérés dans les poisons de leurs haleines. Ce sont des lignes avalées dans des bouillons de suie, d’urée et de sang. Ce sont de vacillants calvaires de croix et bannières, des horizons shampouinés à l’eau de rouille, au jus de soufre, à l’huile d’extrême-onction.
Ces usines ne sont pas des usines. Ce sont des suées d’humanité perdue. Des cimetières en gésine de feux follets. Ce sont des espérances de pain blanc et de soupe, des rêveries de bord de mer. Ce sont des calicots qui brûlent parmi les nuages. Ce sont des batteries de vulcains mis à la chaîne, aux ordres, sous contremaître. Ce sont des vitraux d’éclipse et d’irruption. Ce sont des bûchers ardents. Des prières d’incinérer. Crachés mauve et deuil, le chant du cygne, l’agonie sale des Lumières. C’est Cézanne au charbon, au gaz, au feu, au trottoir.
Ces usines ne sont pas des usines. Ce sont des athanors étouffés dans leurs tuberculoses, des sanatoriums à l’envers. Ce sont des cathédrales d’asphyxie, des triomphes d’apocalypse. Ce sont des cracheuses de cendres, des souffleuses d’âmes. Ce sont des machines à boucaner les oiseaux, les étoiles. Ce sont, pour les musettes où viendra pavoiser la Camarde, des accordéons et des bugles à vous souffler la mort en pleine gueule. Ce sont, à l’unisson de leurs architectes, des machines qui toussent sous le ciel.